Vous pensez que pour convaincre à coup sûr, il suffit de connaitre les meilleures stratégies de persuasion ? Détrompez-vous. Ce n’est que le début. Il faut surtout appliquer la bonne stratégie à la bonne situation.

Partir de chez vous avec un parapluie (même un excellent parapluie!) ne vous servira à rien si le soleil brille toute la journée.

En d’autres mots, vous devez surtout savoir adapter votre stratégie selon le « terrain » sur lequel vous vous trouvez. Sa connaissance préalable est donc essentielle.

Savez-vous reconnaître en un clin d’œil le type de « terrain de communication » auquel vous avez à faire ?

Vous serez principalement confronté(e) à 4 situations de communication :

1. Le « terrain neutre »

Bien qu’on le qualifie de « neutre », ce type de terrain est le plus favorable pour vous qui souhaitez persuader.

Il s’agit d’une situation dans laquelle aucun obstacle majeur ne peut vous barrer la route :

– Votre interlocuteur n’a pas d’à priori négatif à votre égard (parce qu’il a une bonne image de vous, ou parce qu’il vient à peine de vous rencontrer),

– Votre interlocuteur ne se trouve pas dans une situation personnelle délicate (il n’est pas malade, ni très fatigué, ni agacé par une récente dispute, bref, il est à priori serein),

– Le contexte social ne s’oppose pas à votre démarche (par exemple, il serait malvenu d’engager une action visant à persuader quelqu’un juste après l’enterrement d’un de ses proches…).

Si ces critères sont réunis, votre terrain est favorable. Vous pouvez déployer vos meilleurs stratégies de persuasion, car elles auront toutes leurs chances.

 

2. « La Négociation »

Vous vous trouvez sur un terrain de type « négociation » si votre interlocuteur est dans le même état d’esprit que vous : il souhaite obtenir quelque chose, une contrepartie. Il est prêt à engager les négociations nécessaires. Vous avez chacun un objectif, ce qui vous fait déjà un point commun (même si vos objectifs divergent).

Il ne sera donc pas surpris par votre démarche et réagira tout de suite en exposant ses propres arguments.

Il s’agit également d’une situation favorable, car elle vous permet d’atteindre votre but, à condition d’appliquer les techniques appropriées. La meilleure stratégie dans ce cas serait d’orienter la discussion vers une issue « gagnant-gagnant ».

 

3. « L’immobilisme »

C’est une situation de blocage, un terrain complètement immobile.

Vous y êtes confronté si la personne en face de vous affiche d’emblée son refus. Refus d’envisager un changement d’opinion, refus d’entendre vos arguments. Refus parfois de vous entendre tout court.

Il y a des personnes qui font preuve d’un « immobilisme de pensée » tout à fait naturel… A partir du moment où elles se sont forgé une opinion, elles ont tout simplement du mal à changer d’avis. Ceci reste (heureusement) assez rare.

Le plus souvent, votre interlocuteur se braque pour une raison précise. Par exemple, parce qu’il ne vous fait pas confiance. Il ne vous connait pas assez. Ou parce que, pour une raison inconnue, il ne vous trouve pas assez agréable/ sympathique/ crédible.

Dans ce cas, plutôt que de vous obstiner à argumenter, prenez du recul et revenez à une étape fondamentale : la qualité de votre relation avec cette personne. Surtout si vous la connaissez très peu.

C’est en effet une étape essentielle, indispensable à toutes les stratégies de persuasion. Si votre rapport avec une personne est fondamentalement mauvais, ou inexistant, vous n’arriverez à rien, malgré votre pouvoir de persuasion.

Il faut avant tout « réparer » cette relation et lui donner une consistance. Bien sûr, ce n’est absolument pas nécessaire que vous deveniez amis. Mais il faut arriver au moins à une situation neutre, apaisée, une situation qui permet l’ouverture.

Vous devez donc vous pencher sur la raison pour laquelle cette personne se méfie de vous. A-t-elle entendu des rumeurs négatives à votre sujet ? Fait-elle partie d’un groupe qui s’oppose traditionnellement à ce que vous essayez d’obtenir ? (Est-elle entourée d’amis végans alors que vous essayez de lui vendre du fromage ? )

Y a-t-il quelque chose dans son parcours qui l’empêche de vous écouter, de vous entendre ?

Cherchez à savoir pourquoi elle est tellement sur la réserve.

Réparez tout d’abord ces « failles », restaurez la confiance, ou en tout cas l’ouverture. Seulement ensuite revenez à vos stratégies de persuasion, qui devront être basées sur la transparence et la franchise.

 

4. « La Polarisation »

De toutes les situations de persuasion, c’est la configuration la plus défavorable.

Vous la reconnaitrez à une caractéristique principale : dès les premiers instants de votre discussion, votre interlocuteur cherche à vous contrecarrer.

Plus vous avancez vos arguments, plus les siens se font agressifs. Plus vous cherchez à vous rapprocher de lui ou elle (par les idées), plus il/elle s’éloigne. Plus vous insistez, plus vous avez l’impression que vos chances diminuent.

Vous êtes effectivement dans une situation de polarisation (deux pôles opposés se sont créés).

Le plus souvent, cela est dû :

  • Soit à une erreur involontaire de votre part : par exemple une phrase mal placée, ou que votre interlocuteur a ressentie comme une agression, ou alors une attitude corporelle mal interprétée, etc.
  • Soit à un facteur extérieur inconnu, par exemple la mauvaise influence d’une tierce personne qui vous a précédé et qui a « miné » le terrain, pour vous saboter. Cela rend votre démarche quasi-impossible.

Contrairement à la situation précédente (d’immobilisme), non seulement votre interlocuteur se braque et reste inflexible, mais il défend bec et ongles une opinion totalement opposée à la vôtre. Il essaie de vous persuader de faire marche-arrière.

Si vous êtes sur ce type de « terrain », la meilleure chose à faire c’est d’abandonner momentanément la partie. C’est une bataille que vous ne pourrez pas gagner. Vous ne ferez qu’user vos arguments et pousser votre interlocuteur à s’éloigner encore davantage.

Réévaluez la situation et investiguez les causes possibles de cet échec temporaire. S’il s’agit d’un facteur extérieur, d’un sabotage provoqué par quelqu’un d’autre, essayez d’abord d’y remédier. Rétablissez la vérité, si quelqu’un a colporté des mensonges sur vous, par exemple.

Ou alors, si par le passé, vous avez fait du tort à votre interlocuteur sans le vouloir, n’ayez pas peur de ressortir le « dossier » et de vous expliquer.

Une fois que vous avez « nettoyé » le terrain, laissez passer quelques jours et revenez vers votre interlocuteur. Ne vous contentez pas de reprendre vos arguments là où vous les avez laissés. Repensez vos stratégies de persuasion, avec de préférence un angle d’attaque différent (cet article sur la dissonance cognitive peut vous donner des idées).

 

***

La prochaine fois que vous souhaiterez persuader quelqu’un, pensez donc aux différentes configurations possibles. Identifiez d’abord votre type de terrain :

  • Sur un terrain neutre – toutes les conditions sont réunies, vous pouvez y aller
  • Un terrain de « négociation » – cherchez un accord « gagnant-gagnant », car votre interlocuteur a, lui aussi, quelque chose à obtenir
  • Sur un terrain « immobile » – soignez la relation avec votre interlocuteur, car il vous connait trop peu, ou mal. Axez ensuite votre stratégie sur la franchise et la transparence
  • Sur un terrain « polarisé » – votre interlocuteur est clairement en opposition avec vous. Cherchez d’abord à « déminer le terrain », ensuite revenez à votre stratégie de persuasion mais avec un angle d’attaque différent